Elle en avait des questions en tête. Des « qu’est-ce qu’on fait, ou on va, pourquoi nous, c’est quoi ces conneries » qui défilaient dans son esprit, se heurtant à sa caboche, ricochant contre ses os. Trouver de quoi se défendre, et vite ! incertaines dans ses mouvements, elle se rangea maladroitement là où elle le put pour ne pas gêner Anton et voir à l’intérieur des différentes petites pièces qui s’enchainaient. En tentant de se faire discrète, la brune parvint à jeter quelques coups d’œil furtifs avant que son regard ne soit attiré par quelque chose :

« Ok ok ok ! C’est bon, j’ai ! » Chuchota-t-elle au mieux, alors qu’un grattement régulier se fit entendre à la porte à l’étage.

Elle pénétra dans la pièce, dénichant une crosse de hoquet et une barre d’altère avec les poids déposés à côté. Un sport devait visiblement s’amuser dans l’immeuble, et pour l’occasion, ça l’arrangeait bien ! Confiant la crosse à Anton, elle revint alors que la porte grinça et que les pieds frôlèrent le bitume de l’escalier. Les mouvements désordonnés des infectés eurent pour effet d’entrainer la chute de celui qui ouvrait la voie. Dégringolade folle, mais la créature, même avec une jambe fracturée et une épaule démise, tenta de se redresser…

« Euh… La tête, c’est ça ? » Murmura-t-elle à son voisin, tout de suite moins motivée à l’idée de s’y mettre.

Peut-être parce qu’ils avaient tant formes humaines. Peut-être parce qu’elle n’était pas prête à faire ça. Elle voulut se reculer d’un pas, mais ses jambes restèrent ancrées au sol, elle ne bougea pas d’un pouce.

On dirait que notre planque n’en était pas une, cinq de ces monstres ont défoncé 1 la porte du hall et 2 : la porte de la cave. Ils dévalent l’escalier comme des quilles. J’entends Shea hurler et me lancer, un sacré exploit, une barre d’haltère en acier. Parfait, ils sont lents, un instant me suffit pour prendre la barre et de faire sauter la porte où il y avait les outils. Scie, clou, marteau, mais rien de mieux que ce que je tiens. Je n’ai pas le temps de vérifier plus en détail, le temps presse.

Je me remets face à mon premier adversaire, heureusement, la cave est étroite… ils ne peuvent passer qu’à deux de front et se gêne mutuellement.
Je passe devant Shea.

- Il faut frapper la tempe, l’os ne fait que 2 mm à cet endroit, il est très fragile. Fais attention à tes bras, reste à distance, essaye juste de les faire tomber.

Le premier arrive, je fais un large mouvement circulaire avec la barre pour teste l’allonge. Je le touche à la mâchoire, elle se brise dans un son épouvantable. Mais il reste debout, j’ai à peine le temps d’armer un deuxième geste que le second se jette sur Shea. Elle le repousse avec courage mais ne peut pas prendre assez d’élan pour lui briser les os du crâne.

Moi non plus. On n’en sortira pas comme ça.

Je recule, choppe Shea par le col et l’entraine dans le box avec les outils. Je referme la porte et entreprends de la bloquer avec mon corps, ce sera un répit de courte durée. Mais j’aurais le temps de réfléchir. Derrière la porte, les zombies poussent, coups de boutoirs puissants mais désordonnés. La porte s’entrouvre sous le choc, je tiens bon, mais une tête entre et m’empêche de la refermer en entier.

- Shea ! cherche un marteau et écrase-moi la tronche de cette putain de saloperie de mort vivant !

Je voyais dans ses yeux le doute, mais moi je ne doutais pas une seconde qu’elle pouvait le faire.

Regard lourd, ambiance oppressante. Reese avait à peine eu le temps de jeter un coup d’œil à son partenaire de crime pour savoir comment intervenir qu’elle s’était fait couper l’herbe sous le pied. L’atmosphère s’était faite plus virulente encore, et certains parvinrent à s’enfuir avant que la menace ne pèse sur eux davantage. Reculée par rapport au groupe, la brune se chargea de libérer Cara lorsque les morts firent leurs apparitions. La méfiance fit naturellement le reste, elle s’équipa en conséquence, récupéra son arme de service, et confia celle à sa cheville à Taron pour qu’il puisse la seconder si jamais. Elle ne nota même pas le fait que son actuel compagnon et son ex-amant se trouvent au même endroit au même moment. Elle s’en fichait.

« On restera ici pour couvrir les lieux, si jamais. » Assura-t-elle autant à Raphael qu’aux autres qui s’éclipsèrent.

De toute façon, l’ordre fut donner de tout faire pour colmater l’endroit. Elle aida Max à s’occuper de la porte arrière, s’arrangeant pour bloquer cette dernière à l’aider d’une chaise pour empêcher la poignée de s’actionner. Jetant un regard à son amie, elle fut au moins soulagée de savoir Heather à l’hopital à cet instant précis. Au moins ne se retrouvait-elle pas dans la même galère qu’eux…

Jusqu’aux grognements en tout cas. Reese put les percevoir de sa position, et par réflexe, recula d’un pas lorsqu’une vague sembla traverser la rue. Elle avait l’impression de se retrouver au milieu d’une marée, à peine cachée en son sein. Par réflexe, elle recula. Son talon heurta le coin d’une table qui grinça contre le bois. Le son coupa le souffle à tout le monde dans la pièce. Mais sans perdre son sérieux, elle fit simplement un geste à la foule pour qu’elle garde son calme : un signe de la main, tendue, jusqu’à ce qu’un rôdeur ne heurte la porte arrière, se presse contre le métal froid, ne tente de presser la poignée sans y parvenir.

A nouveau, elle exigea le silence dans la pièce. Prête à tirer si la barricade ne tenait pas le coup. Ou si d’autres venaient se joindre à lui.

Frapper la tempe, frapper la tempe, frapper la tempe.

Shea se répéta les mots d’Anton pour se donner du courage, mais eu l’impression d’être frigorifiée devant ses assaillants. Incapable de bouger, de penser. Sidérée par ce qu’elle voyait pour la seconde fois. Les souvenirs lui revinrent en mémoire, comme une vague puissante l’embarquant au large et l’empêchant de nager pour retrouver la surface. Elle parvint à repousser l’un d’eux par nécessité, mais trop figée pour agir correctement, elle ne dut son salut qu’à la réaction d’Anton, la balançant presque sans ménagement dans l’une des caves les plus proches.

Les yeux ronds, plus pâle qu’elle ne l’était déjà, Anton maintint la porte derrière lui en lui ordonnant de trouver de quoi enfoncer le crâne de celui cherchant à rentrer avec eux. Tâtonnante, ses pupilles cherchèrent à côté d’elle, avant qu’elle n’attrape un marteau. Son cerveau ne réfléchissait plus. Elle venait de remettre ses pensées à plus tard, et d’un geste maladroit, un peu tremblant, elle abattit droit sur le crâne du mort le revers de son outil. L’os se fendit, elle arracha une partie de la suture de la tête, et mit à jour sans le vouloir le cerveau endommagé par ses soins.

Choquée, elle parvint à repousser le corps violemment en arrière sur ses autres camarades. Une main chercha à l’agripper, mais déchira son vêtement lorsqu’elle se retira vivement. Et avant que son compagnon d’infortune ne lui demande une autre bévue du même genre, elle se tapit avec lui contre la porte pour l’aider à maintenir leur seule protection.

Si jusque là, Ayden n'avait pas réagit, c'est parce qu'il connaissait bien ce genre de spécimen. Ces mecs qui ne se prenaient pas pour de la merde parce que la police leur avait octroyé l'insigne et l'arme et qu'on les laissait se pavaner dans les rues alors qu'au fond, ils n'étaient rien d'autres que de gros cons avides de pouvoir mais pas courageux pour un sous. Le franco-américain savait pertinemment qu'un jour, ça partirait en couilles, ces histoires de maladie. Que ça tournerait si mal que le gouvernement choisirait des pourritures pour le représenter. Et voilà. On annonçait l'état de fait fatidique. Comment le sénateur pouvait accepter de tomber si bas au point de faire recruter des cons finis qui mettaient tout le monde en danger et qui s'étonnaient d'entendre débarquer une horde. Combien de fois on les avait bercé trop près des murs, ceux-là ? Trop pour pouvoir donner un numéro.

Alors il a fallut se confiner. Ayden avait pincé les lèvres. Il avait vu Anton et une civile sortir. Alors qu'est-ce qu'il se passerait pour eux ? Pourvu qu'ils soient planqués et inatteignables parce que dans ce cas, l'européen l'aurait sur la conscience de ne pas être aller son ami comme le lui avait intimé la voix dans sa tête. Certainement pas la voix de la raison mais voilà... Ne pas faire de bruit, ne pas faire de bruit. Serrant de plus en plus les dents, le trentenaire fronça les sourcils lorsque sa coéquipière en fit. Il lui offrit un mouvement de tête et les gros yeux, l'air de dire "Reese ! Discrétion !". Il avait eu le temps de tirer son arme de service. Oui, normalement, c'était pas réglementaire mais parfois, il fallait ne pas suivre les commandements et là, en l'occurrence, il avait bien fait. S'humectant les lèvres, il observait parfois sa compagne pour s'assurer qu'elle ne craignait rien. Comment aurait-elle pu, ceci dit, puisqu'ils étaient entourés de membres des métiers de force de l'ordre. Si on comptait pas les gros nazes qui servaient de poulets. Ceux là, une fois dehors et en vie, il les fracasserait !

Et pourtant, les premières détonations le firent relever son arme. Le brun se tendait. Il y avait trop de vie en jeu pour ne pas être sur ses gardes et c'était le moment de l'être. Concentré, c'est ce qu'il était. Sa posture entière le trahissait, son air. Ils n'étaient là qu'en couverture et la stratégie du capitaine fonctionnaient, de leur côté, ils n'auraient pas à agir mais voilà. Les morts revenaient à la vie et c'était déjà bien assez fou, pourquoi ne pas croire qu'ils pouvaient vaincre une trouve de types armés ? Bordel... Fallait pas penser à ça, pas maintenant.

Un silence relatif s'installa au sein de l'établissement. Tout le monde trouva une position plus ou moins confortable pour attendre la passage de la vague. Reese se posta vers l'arrière tandis que Raph garda sa position avancée. Nombreuses étaient les ombres qui passaient devant son champ de vision. Leur longs râles d'agonie permettaient de couvrir efficacement les respirations tendus émanant du bar. Beaucoup des survivants s'étaient logiquement dirigés vers le compteur afin de jouir d'une position centrale et être loin de ces entités bruyantes qu'ils ne connaissaient pas. Le capitaine quand à lui, ne les connaissait que trop bien. Il jeta des coups d'oeil experts au dessus de sa solide barricade pour observer l'étrange ballet extérieur. Tel un etnologue confirmé, il glanait ça et là de précieuses informations sur leur direction, l'articulation de la meute ou le nombre d'individus dans la population. Visiblement, son plan avait marché. Un quantité non négligeable de goules semblaient être sollicités par les unités de diversion. le peloton s'égrénait malgré une évolution rectiligne inéluctable. Plus le cortège s'amenuisait plus Raphael se sentait confiant. Malheureusement, un bruit de bouteille raviva instantanément les tensions. Reese avait malencontreusement déplacé un objet qui créa une source sonore et attira logiquement une partie de la troupe déviée. Un silence de mort s'instaura lorsque la poignée bougea lentement. Tous retenaient leur souffle malgré les difficultés respiratoires des malades. Fort heureusement, les sollicitations sur la porte arrière cessèrent peu de temps après et les respirations se délièrent. L'avant du bar se vida petit à petit et le son à l'extérieur confirmait que le danger s'éloignait. Raph le notifia d'un geste à qui voulait bien le regarder. Il joigna son index et son pouce pour former un rond signifiant que la voie se dégageait. L'oreille toujours collé au verre lui même plaqué à la radio, il espérait entendre un message salutaire.
L'annonce tant souhaité se fît entendre ... mais à un volume sonore bien trop élevé. Alors que son oreille gauche était tendrement sollicité par un doux murmure grave, son oreille droite perçu un grésillement très puissant qui émanait d'une radio policière détenu par l'un des couards censé les protéger qui emplie tout le bar et résonna contre tous les murs. A peine le temps de comprendre qui était le fautif et de l'insulter de tous les noms intérieurement que déjà la porte arrière était martelée de coups puissants. Il fallait réagir. Raphael voulu reprendre la parole mais ne put à cause de son baillon improvisé. Lorsqu'il le retira il fût prit d'une violente envie de vomir inhérente à cette nouvelle entrée d'air frais. Dès lors il ne parvînt pas à édicter ses ordres et se déplacer en même temps. Il dû se résoudre à reprendre ses esprits alors que la porte cédait sous les coups de butoir. Il n'avait plus le choix.
Il dégaina son arme et entreprît de viser les premières têtes sauf que la sienne tournait affreusement. Il ne pouvait donc faire feu avec précision. Son état devanait préoccupant sauf qu'il ne pouvait pas flancher maintenant.
Dans un ultime effort, il se redressa et cria du mieux qu'il pût.

"L'entrée ! Sortez tous !!!"

Il ne pouvait en dire plus et s'effondra de tout son corps, vomissant tripes et miasmes en une violente contraction abdominale. La contraction était si violente qu'il se retrouva plié en deux, incapable de prendre la tête des opérations ou de fermer la bouche. Un flot quasi continu se déversa sur le sol provenant directement de son estomac. Son salut ne pouvait se faire seul. Il avait besoin qu'on le couvre, le temps de recouvrer une partie de ses fonctions.
Dans un balbutiement supplicateur, presque imperceptible, il espérait qu'une âme charitable prenne quelques secondes pour l'aider à se relever.

"A ... moi ... aidez ..."

Il luttait de toutes ses forces pour reprendre son souffle alors que la pièce se remplissait de goules affamées. L'une d'elle avait déjà jeté son dévolu sur lui et il ne put que lui taper dans une jambe pour la faire tomber sur lui. De tout son poid mort, la bête alla s'éclater le crâne contre l'arcade sourcilière droite du capitaine qui éclata sur le coup et se mis à saigner abondamment. Evidemment, cette chute ne fût pas fatale pour le zombie qui très vite tenta de revenir à la charge face à l'officier tiraillé entre vomir et se défendre.