Pourquoi fallait il toujours que les emmerdes commencent sans qu'il ne soit présent ou du moins pas aux premières loges. Le barman avait prit congé de la salle principale pour aller recharger les stocks.  Descendre dans la réserve, changer les futs et récupérer deux caisses de bière en bouteille. S'affairant à sa tâche, Taron ne s'était même pas aperçu que la musique avait cessé. Tout naturellement, il avait remonté les escaliers avec le plus grand des calmes, les bras bien chargés. De l'épaule, l'homme poussa la porte battante pour accéder derrière le comptoir. Sauf qu'il ne s'était absolument pas attendu à trouver une telle scène dans son établissement. Des flics ? Des flingues pointés à droite à gauche ? Non mais sérieusement c'était quoi ce bordel d'un seul coup.

Et puis son regard tomba sur les silhouettes cachés derrière le comptoir. Par réflexe, le gaillard se baissa sans attendre une seconde de plus. Avec la plus grande précaution, il posa la caisse de bière et observa tout ce qu'il pouvait voir de sa position. Une analyse rapide le menait à la conclusion que ces mecs des forces de l'ordre avaient reçu des instructions pour contrer cette soirée qui avait pourtant si bien commencé. Peu importe les personnes présentes, tout le monde était touché. Un regard dans celui  d'une brune (Max) suffit pour traduire ce qu'elle se demandait. Comment sortir d'ici. Le barman indiqua de la tête la porte à droite de leur position, porte menant directement vers son bureau et vers l'entrée annexe. Seule sortie possible pour échapper à ce qui se voulait des détraqués. Parce qu'il ne les voyait que comme ça de là où il était. Sérieusement, c'était quoi ce bordel ?

Taron aida la dame (Max) à faire sortir discrètement le plus de gens possible, pourvu que cette décision et cette manœuvre puisse aider et servir à quelque chose. Qu'est ce qu'il leur disait que d'autres n'attendaient pas dehors ? Le gaillard tira sur le bras d'une demoiselle qui n'était pas loin (Rei) pour essayer de la faire sortir avec les autres. Mais apparemment, leur tactique, si on pouvait appeler ça comme ça n'avait pas duper très longtemps les intervenants. Bougez pas ! Ken' s'approcha de lui et discrètement, avec un regard qui en disait long, Taron le questionna. Sérieusement, il s'passe quoi là? C'est qui eux, des officiels ?

Sa sœur avait bien tenté de tasser l’ambiance comme elle le pouvait, et elle n’était pas la seule à essayer de collaborer comme il le fallait. Sans doute que la menace de finir en quarantaine avec des infectés avait de quoi calmer les ardeurs des plus confiants. Pour sa part, Shea préféra largement rester en retrait devant cette histoire, notamment parce que tout ça lui semblait parfaitement impensable. Elle échangea un regard avec Christa, alors qu’un poids semblait peser sur son ventre à l’idée de se confronter à nouveau à des morts. Gorge nouée, elle fit en sorte de se faire toute petite…

Si seulement Anton l’avait imité. Elle eut un mouvement de recul en se faisant bousculer lors du départ de son instructeur. Figée par la stupeur, elle se dégagea des bras de Christa pour partir à leur suite. Pas vraiment dans l’optique de décamper il fallait dire, plus d’empêcher que la situation vire au drame comme elle était sur le point de le faire. Ventre tordu par la peur, elle se figea et laissa échapper un cri de stupeur lorsque la détonation retentit dans la rue devant le bar et qu’elle vit la silhouette d’Anton s’écraser au sol.

« Lâchez-le espèce de pauvre taré ! » Qu’elle lança en tentant de les rattraper.

Pile à temps pour les taser. Au moins, son invective et la bousculade à peine retenu permis à l’homme de lâcher la gâchette de son arme. Pas pour empêcher le revers de matraque qu’elle se prit en plein dans la pommette. Sonnée par le coup, elle tituba quelques pas avant qu’un pied ne s’écrase dans le creux de son genou et ne la ramène au sol. Face contre terre, malmenée, puis maintenue les bras en arrière, Shea tenta bien de lutter et de se dégager, mais le poids qui l’écrasait l’empêchait de respirer.

Su-per.

« Tu iras lui tenir compagnie. » Lui annonça fièrement le policier qui la gardait à terre et menottée.

Elle aurait voulu articuler qu’au lieu de les conduire dans une cellule pour les vouer à la mort, mieux valait appeler d’abord une ambulance. Mais c’était à croire que sa mâchoire ne lui répondait plus, et la douleur qui lui dévorait à moitié le visage ne l’aidait pas à faire le point sur la situation.

Merci Anton.

L’agitation eut raison de l’instant. La poigne autour de son bras la sortit de sa conversation, et elle avisa Kenneth d’un coup d’œil étonné. Ses propos ne tombèrent pas dans l’oreille d’une sourde ! Il avait tout à fait raison : si elle se retrouvait enfermé en quarantaine avec tous les autres, alors elle ne serait d’aucune utilité pour les faire sortir. Pour peu qu’on l’empêche de contacter ses supérieurs, et ils finiraient tous par y rester. Raidie par ces déductions, ses yeux se retournèrent vers Raphael à qui elle adressa un regard qui se voulait rassurant :

« Je vais tout faire pour vous tirer de là, je vous le promets… » Jura-t-elle au capitaine de la scientifique avec qui elle avait eu le temps de sympathiser.

Sa parole aurait un poids, il fallait qu’elle y croie en tout cas, sinon tous allaient terminer leurs jours là-bas pour une sortie grotesque ! Tournant les talons, elle se fit saisir par Lupe au passage, qui la poussa vers la porte arrière où Max faisait sortir quelques civils en douce. Tous trois en firent partie. Une main sur l’épaule de son amie cubaine pour lui offrir toute sa gratitude – Suzie avait plus que conscience qu’elle risquait gros à agir ainsi ! – le froid extérieur vint rapidement lui mordre le visage.

« Ou est-ce qu’on va maintenant ? » Demanda-t-elle à ses deux partenaires, en pressant l’allure dans la ruelle arrière pour remonter vers un axe beaucoup plus passant.

Lupe lui signifia que sa voiture n’était pas loin, qu’ils pourraient s’y rendre. Un regard vers Kenny tenta de savoir ce qu’il en pensait. Mais avant ça, elle devait tirer des choses au clair : elle chercha dans la poche de son manteau son téléphone portable :

« Qu’est-ce que tu fais ? » Questionna sa cadette.
« S’ils ont changé les lois, je dois être dans les premières au courant. Je sais que mon équipe n’est pas la seule à travailler sur un vaccin, mais prendre ces dispositions me semblent un peu extrême ! » Fit-elle en cherchant dans ses nombreux mails non-lus.

Il y en avait tellement ! Mais une note de son supérieur attira son attention.

« Hijo de perra… » Grogna-t-elle en relevant les yeux vers ses compagnons d’infortune : « Ils vont réquisitionner des gymnases et des écoles pour créer des centres de confinements… » Annonça-t-elle avec une moue horrifiée…

C'était vraiment une journée pourrie, elle retenait ce mec qui lui avait parlé de cette soirée. Plantée comme une idiote derrière son bar, elle regardait, tout en tachant de se faire la plus discrète possible, la scène irréelle se dérouler sous ses yeux.
Un homme, probablement le gérant, sorti d'une porte 2-3 mètres devant elle, les bras chargés de bière, en quelques instants il s'était agenouillé, caché par le bar, et observé la situation. Ses yeux balayaient la scène avec étonnement mais sans aucune panique, son analyse fut rapide et il décida d'agir rapidement, elle était presque prête à mettre sa main à couper qu'il avait une formation militaire...

Il désigna une porte, à l'autre bout du bar, laquelle menait visiblement à l'extérieur, et lentement, les quelques personnes cachées derrière le bar s'y dirigèrent. Rei n'avait pas eu l'idée de s'accroupir, en fait, elle avait juste profité de l'aide du barman, et s'était senti plus en sécurité derrière le meuble, plus rien ne la retenait ici puisqu'Anton était sortie, lentement, et sans geste brusque, elle plia les genoux et s'extirpa à la vue de la salle. Première étape validée! Quelques personnes étaient déjà sorties et elle s'approchait inexorablement de la sortie, de l'autre côté du bar, des éclats de voix se faisaient encore entendre et le gérant, qu'elle avait fini par rejoindre, lui saisis le bras pour l'encourager à sortir. Un sourire cripé l'en remercia quand une voix hurla l'ordre de ne pas bouger et elle s'immobilisa, interdite. Cependant, elle resta accroupie et s'adossa contre le bar, avec un peu de chance, elle passerait inaperçue.

Des bruits de pas précipités suivirent l'ouverture violente d'une porte et une voix, un soupçon paniquée:

« Commandant ! On a des morts qui se ramènent ! »

Des morts qui marchent, ça c'était drôle, si la situation n'avait pas été si préoccupante...
Sauf que les policiers réagirent au quart de tour et prirent la "menace" très au sérieux, un nouveau genre de silence s'installe, pesant, alors que tout le monde se dévisage, la panique peut clairement se lire sur certains visages alors que la plupart sont encore à exprimer la surprise et le doute. Puis un brouhaha terrible s'éleva d'un coup, des dizaines de questions fusèrent dans tous les sens et la jeune femme profita de la panique générale pour sortir son téléphone. Le petit voyant clignotait vert, un nouveau message, une rapide empreinte digitale derrière  alluma l'écran et le message vocale s'afficha, transformé en texte par une petite application.

C’est Anton. Je vais me faire arrêter par la police et embarquer vers un centre de quarantaine. J’espère que tu vas bien, je t’en supplie, veux-tu bien t’occuper de Téméraire pour moi ? Tu trouveras un double de mes clefs dans ma boite au lettre, dans le hall, n’hésite pas à la défoncer. S’il te plait… Pour lui, fais-le.

Rei perdit quelques précieuses secondes à relire le message, centre de quarantaine, les morts qui se ramènent, tout cela prenait une tournure tout à fait différente... Elle ouvrit sa dernière conversation avec Josh et essaya de faire le plus court possible, tapant à toute vitesse, aussi vite qu'elle le pouvait.

J'ai besoin de toi, soi attentif et prend ça au sérieux! tu vas aller à cette adresse [adresse d'anton] MAINTENANT, te débrouiller pour ouvrir la broite aux lettres d'anton, prendre les clés dedans, aller chercher son chien Téméraire dans son appart, prendre le plus de croquettes et de bouteille d'eau que ty trouvera et ramener chez toi. Rempli le plus de sot et de bassine que tu as avec de l'eau. SURTOUT RESTE Y ET NE SORS PAS. Anton a des soucis, il ne peut pas soccuper de son chien. Suis en sécurité mais peux pas venir pour l'instant. Suis avec les graçons, t'appelle dés que je peux. T'expliquerai tout te promet, soit prudent

Les fautes de frappe se multiplièrent mais elle envoya le message à peine la dernière lettre frappée, Josh n'avait croisé Téméraire qu'une seule fois, et ça n'avait duré que quelques minutes, elle espérait que l'animal accepterait de suivre Joshua sans le bouffer et surtout, que son compagnon la prendrait au sérieux. Elle espérait surtout que même avec l'heure tardive, il oserait braver le couvre feu et qu'il irait, si des morts se baladaient, c'était maintenant, quand la police n'était pas encore débordée que se déplacer serait le plus sûr. Elle pria un instant pour qu'il n’arrive rien à Josh mais elle ne pouvait pas laisser Téméraire comme ça.
Dans le meilleur des cas, Josh aurait défoncé une boite aux lettres et l'aurait prise pour une dingue pour rien, dans le moins pire des pires cas, il aurait aussi fait tout ça pour rien, ne lui pardonnerai pas la blague idiote et la quitterait, et dans le pire des pires des cas, la menace était réelle. Elle ne voulait pas penser aux conséquences d'un tel cas...

Rei allait ranger son téléphone lorsqu'elle décida d'envoyer un dernier sms.

Ton chien peut aller se faire voir sur les roses, j'ai d'autres rats à fouetter!!"

Anton serait furieux contre elle en voyant son sms, mais elle espérait qu'il comprendrait son message subliminal, son ami savait que Joshua était fleuriste, lorsqu'il ne verrait ni son chien, ni les croquettes, il comprendrait, elle en était sûr. Lui envoyer "Josh" aurait été plus rapide, mais il avait été suivi par des policiers, et elle ne voulait pas qu'ils puissent remonter jusqu'à Josh, c'était trop important pour risquer le moindre indice, ils fouilleraient surement son téléphone s'ils l'arrêtaient... Elle rangea son téléphone et reporta son attention sur la salle, un semblant de calme était revenu, et le chef des policiers aboyait désormais ses ordres: se barricader, ne pas sortir, et surtout, être silencieux.

C'était inutile de rester cacher désormais, elle se redressa donc, lentement pour éviter de surprendre quiconque, et regarda le gérant, maître des lieux en cet endroit.

"Vos instructions chef? Il doit y avoir des volets sur vos fenêtres n'est ce pas?"

Sa voix n'était pas aussi assurée qu'elle l'aurait voulu, elle était même un peu tremblante, mais ça ferait le coup pour cette fois. En fait, elle avait une furieuse envie de pleurer...

Le ciel est vraiment moche à Boston, les bâtiments forment un canyon sinistre où les bruits se répercutent à l’infini. Entre la douleur, la désorientation et des pensées parasites comme débattre sur la beauté du ciel… J’entends la voix fluette mais pleine de détermination de Shea… Elle est venue m’aider ? Mais pourquoi ? Je pensais qu’elle ne m’aimait pas plus que ça… Elle se retrouve ligoter à côté de moi, au sol.

Nos regards se croisent et je sens la douleur, la colère et une certaine incompréhension dans ses yeux. Le policier que j’avais copieusement frappé est sur Shea et la palpe avec beaucoup de méticulosité. J’ai merdé sur toute la ligne, toute la ligne ! Pourquoi avoir provoqué tant que ça les policiers sur place ? J’avais quelques choses à prouver ? Putain, je suis trop con… Maintenant je vois une fille que j’apprécie beaucoup subir douleurs et honte.

Mais on a un autre problème.

Je pensais aux sons qui allaient et venaient dans la rue… Je réalise maintenant pourquoi je m’en préoccupais ! Ce n’était plus le son des sirènes ni celui des policiers ou encore celui des clients mais un autre son. Beaucoup moins agressif et violent, mais pourtant… beaucoup, beaucoup plus menaçant. Grondement sourd venant au rythme du vent et d’un silence grandissant des vivants… Je réalise seulement maintenant ce que j’entends…

Ces grognements sont ceux des morts.

Les policiers semblent aussi avoir percuté et un air de panique ce lit sur celui qui m’avait tasé. Je profite de son inattention et j’arrache les électrodes. Belle connerie, car une quantité de peau non négligeable vient avec et je me retrouve à saigner abondamment. Mais il y a plus important qu’un peu de sang. Je réussis à me lever, plus mal que bien car tant bien que mal, et je lance aux policiers :

- On pourrait remettre ça à plus tard ? Le truc du tasage et du matraquage de jeunes filles innocente ? Laissez-nous partir ou venez avec nous, mais il ne faut pas rester là.

Je ne vois pas où sont les morts qui marchent, mais ma dernière expérience avec eux m’a convaincu que s’ils sont dans la rue, il vaut mieux leur laisser et chercher des flingues. Heureusement pour nous, le flic semble avoir un minimum de bon sens et il me sort :

- Va te faire bouffer ailleurs avec ta pute.

Si j’avais été en meilleur forme, je lui aurais meulé sa petite face à coup de rangers. Cependant, je me sens trop mal et l’ambiance sonore fait que je n’ai pas envie de continuer à me battre à découvert. Je ramasse Shea maintenant libre, enfin on se ramasse mutuellement car si elle à la moitié du visage gonflé et qu’elle semble sonnée… pour ma part je ne suis guère plus reluisant avec ma jambe douloureuse, mon visage en sang et mes deux jolies plaies à l’épaule et la hanche.

Les policiers se détournent de nous et rejoignent leurs rangs pour préparer la défense de la zone. J’espère qu’ils seront utiles là-bas.

- Allez viens Shea, on va aller se planquer.

Péniblement, on se traine jusqu’à un immeuble, la porte du hall était miraculeusement ouverte. Je claque celle-ci une fois que nous sommes à l’abri et je m’écroule à moitié contre Shea.

- Merci… je suis désolé de ce qu’ils ont fait. J’imagine que tu n’as pas ton flingue avec toi.

Sans vraiment attendre de réponse, je vois qu’elle a mal, je regarde mon téléphone et je vois qu’Ireine m’a répondu. En gros Téméraire pouvait aller se faire voir chez un fleuriste… Passons, je suis trop fatigué pour comprendre. J’ai la tête qui tourne…